Présentation de Pier-Pascale Boulanger

Je suis professeure titulaire au Département d’études françaises de l’Université Concordia, à Montréal. J’enseigne la traduction dans les domaines économique, financier, juridique et littéraire. Pendant mes études supérieures, j’ai travaillé à titre de traductrice à la Financière Manuvie dans le domaine des assurances, lequel a alimenté, par osmose inverse, ma thèse de doctorat sur les théories postmodernes de la traduction.

Il faut croire que la crise financière de 2007-2008 m’a vraiment impressionnée, car j’ai quitté mes axes de recherche en traduction littéraire (voir plus bas) pour me lancer dans l’étude des textes journalistiques qui racontent la finance. En fait, ce sont les étudiants du cours de traduction juridique et commerciale, que je donne depuis mon embauche à Concordia, qui m’ont mise sur cette piste. Confrontés aux textes d’actualité à traduire, ils ont eu l’heur de me demander : « Madame, c’est quoi cette histoire de subprimes… comment ça se traduit? » Quelle excellente question! Merci de l’avoir posée.

Me voici donc riche d’un projet de recherche qui m’a amenée à créer l’Observatoire du discours financier en traduction avec l’aide inestimable de Figura et du laboratoire NT2. L’Observatoire scrute la presse canadienne généraliste, examinant les manières dont elle présente (et construit) les réalités financières depuis 2001 pour ses publics francophones et anglophones, mais je vous laisse lire l’énoncé d’intention qui fédère les membres de l’équipe.

Avant l’Observatoire, j’ai exploré diverses pistes de recherche en traduction littéraire, fascinée ou peut-être inquiétée par l’idée selon laquelle l’être humain est produit par le langage davantage qu’il ne le produit. C’est Freud qui a dit ça. J’ai publié un article rapprochant la psychanalyse et la traduction littéraire autour d’un même impératif : se mettre à l’écoute du corps de la parole dans le langage.  

Mais avant ça, il y a eu Henri Meschonnic, dont une des idées phares demeure toujours pour moi génératrice de questions, à savoir que la dernière chose qui compte dans le langage, c’est le sens. Il entend par là que la manière de dire est aussi, voire plus, importante que ce qui est dit. Mon enseignement de la traduction littéraire est fondé sur ce théorème. Fait curieux, l’œuvre de ce linguiste, poète, auteur et traducteur pourtant prolifique n’a pas pris racine aux États-Unis. Aussi, je me suis intéressée à ce cas de non-traduction dans un article, mais j’ai préféré joindre le geste à la parole et j’ai traduit un de ses essais vers l’anglais : Ethics and Politics of Translating. Il semble qu’il soit lu dans certains cours de traduction littéraire. Selon d’autres échos, mon texte aurait l’air d’une traduction. Ça tombe bien, c’en est une.  

Une autre traduction qui en est une : De perte en fils, l’histoire d’un Juif ayant immigré à Montréal dans les années 1930 et que j’avais lue dans un cours de littérature canadienne-anglaise au baccalauréat en traduction. Je crois avoir bien cerné ce qui m’avait marquée dans ce roman et que je résume comme suit en quatrième de couverture : « De Juif hassidique à pimp, un personnage qu’il vous plaira de haïr. »

En bref, qu’il s’agisse de lire et traduire des textes financiers ou littéraires, je cherche autant à comprendre ce que les textes disent que ce qu’ils font.